Interview HARD-ROCK MAGAZINE
Par RMS Hreidmarr - Le 13 Mars 2000

1. Finalement ça a été une bonne chose de sortir le MCD qui au départ n'était destiné qu'au démarchage ?
Hreidmarr : Sortir ce EP était au début une idée de Hervé d'Osmose. Car il est vrai qu'à la base nous ne l'avions pas conçu comme un disque destiné à la vente, mais bien comme une démo qui, après notre départ de Season of Mist, nous servirait à décrocher un nouveau deal. Cela explique par exemple sa durée relativement réduite.
Mais je pense qu'en effet, c'était une bonne chose de le sortir officiellement. D'abord parce que ne pas utiliser des titres aussi efficaces que Divine White Light ou Blood & Latex terrortech War aurait été un réel gâchis, et ensuite parce que ce EP nous a permis de, disons familiariser les gens avec notre "nouvelle orientation "… Finalement, sortir le nouvel album tout de suite, comme nous l'avions prévu au départ, aurait certainement été une erreur…
Sodomizing a superbement bien joué son rôle de mise en appétit, et les réactions se sont révélées plus qu'encourageantes un peu partout, notamment en Allemagne. Nos fans nous ont bien suivis, et nous les en remercions.
Alors oui, ce disque fut un excellent moyen de rappeler qu'Anorexia Nervosa était toujours là, et avait encore bien des océans rouges de haine à vomir sur ce misérable monde moderne.

2. Certains ont du mal comprendre votre reconversion dans le black symphonique ?
Ce n'est pas mon problème, c'est le leur. En ce qui nous concerne, nous nous bornons à retranscrire musicalement ce que nous sommes, ce que nous ressentons au plus profond de nos cœurs exaltés. Nous composons avec nos tripes, sans essayer de sonner de telle ou telle manière ou de s'inscrire dans un quelconque courant.
Anorexia Nervosa a toujours été anti-mode. Aujourd'hui la plupart des groupes de Metal extrême ralentissent les tempos et adoucissent leur musique, alors que nous suivons l'évolution inverse. Aujourd'hui, nombre d'anciens groupes de Black pur et dur se mettent à essayer désespérément de sonner Electro, alors qu'Anorexia donnait déjà dans le Metal-Indus il y cinq ou six ans… Nous ne somment pas des suiveurs.
Bien sûr, musicalement, il y a eu une évolution par rapport à Exile, et cela me paraît assez normal puisque entre cet album et le EP Sodomizing the Archedangel, il s'est tout de même écoulé trois ans ! L'état d'esprit du groupe, sa façon de penser et de voir les choses est fondamentalement restée la même, c'est juste la manière d'agir ou de s'exprimer qui est différente. Exile relevait plus du désespoir et de l'autodestruction. A présent, c'est la haine divine qui guide nos pas.

3. Dans quel état d'esprit étiez vous pour l'enregistrement de DrudenhauS car c'est un album ultra violent ?
Oui, on y a mis beaucoup de bonne volonté, Eh Eh Eh !
La préparation de cet album - c'est à dire la composition, la pré-production et finalement, l'enregistrement - nous a pris au total un an. Durant cette année, nous avons tous traversé des périodes plutôt difficiles, je pense notamment à Stefan qui a dû se battre contre la maladie, et je suis convaincu que tout cela a énormément influencé notre musique. Nous étions tous remontés à bloc et avions besoin de faire cet album violent, plein de haine, de colère et de souffrance.
Et je ne te ferai pas l'affront de l'atroce lieu commun qui consisterait à affirmer que DrudenhauS nous a servi de thérapie ou d'exutoire… Je ne crois pas à la psychanalyse. Je la vomis. Non, Je vois simplement cet album comme un miroir. Et ce miroir est maculé par notre reflet, notre sang, notre sperme et nos tripes bouillonnantes.

4. On vous a beaucoup comparé à Cradle Of Filth sur le MCD, vous en avez tenu compte pour la préparation du nouvel album ? Trouviez-vous que ces comparaisons étaient justifiées ?
Non, nous n'en avons absolument pas tenu compte. L'avis des autres nous importe peu, à vrai dire… Et comme je l'ai déjà dit, nous composons de manière très instinctive, sans calcul aucun.
Toutefois, je comprends ces comparaisons : le commun des mortels a besoin de repères, de conventions, et dès lors qu'il se trouve devant quelque chose d'inconnu, il panique, se sent perdu, et il faut à tout prix qu'il établisse des parallèles avec des choses déjà existantes, des choses qui lui sont familières, cela le rassure. Par ailleurs, ces critiques restaient, à mon avis, assez superficielles : à croire que les personnes les ayant émises n'avaient écouté que les dix premières secondes de chaque plage… Parce que, qui peut raisonnablement prétendre qu'un morceau comme Blood & Latex terrortech War sonne comme du Cradle Of Filth ?
Maintenant, il est vrai que le nouvel album est aussi beaucoup plus personnel que Sodomizing ne pouvait l'être, je le reconnais. Nous avons énormément travaillé les mélodies, les structures, les arrangements orchestraux et le chant pour atteindre la quasi-perfection sur DrudenhauS, qui est donc de ce fait un album plus mature, plus entier, plus " unique "…Ce qui devrait limiter à l'avenir ce genre de comparaisons.

5. Vous avez une manière bien particulière d'utiliser les claviers ? Souvent ils adoucissent la musique, ce qui n'est pas le cas chez vous ?
Oui, c'est un peu la trademark d'Anorexia Nervosa, et c'est à mon sens ce qui nous différencie de la plupart des groupes dits " symphoniques ".
Ce sont les claviers qui mènent notre musique, nous les concevons de manière très orchestrale, avec des montées de violons, des accélérations… On utilise des sons samplés de véritables instruments classiques. C'est exactement comme si en plus de la guitare, de la basse et de la batterie, il y avait presque en permanence une vingtaine de musiciens classiques jouant tous des parties différentes. J'aime le côté à la fois grandiose et complètement hystérique que cette utilisation des claviers peut apporter.

6. La production est terrible on a du mal à croire que vous avez fait ça dans votre home studio ?
Nous disposons d'un matériel performant et très moderne, ce qui aide. Ensuite, comme ce fut le cas pour le EP, nous avons produit l'album nous-mêmes, ce qui nous permet de savoir exactement où l'on va : pas de producteur étranger au groupe, donc pas d'intermédiaire, donc pas de mauvaise interprétation de ce que nous voulons au niveau du son. Nous sommes vraiment les producteurs idéaux pour Anorexia Nervosa, Ah Ah Ah !
Et puis, cette fois, nous sommes restés presque trois mois en studio, ce qui nous a permis de vraiment nous concentrer à la fois sur les prises de son, les différents arrangements et le mixage.

7. Vous avez des invités spéciaux...
Oui, Alex d'Agressor nous a gratifiés d'un de ces soli dont il a le secret plus un ou deux backing vocals très brutaux, et Romarik de Forbidden Site a posé quelques superbes parties de chant lyrique. Ce sont tous les deux de très bons amis, leurs groupes respectifs font partie de nos groupes cultes, et je suis donc vraiment fier qu'ils apparaissent sur l'album.

8. Vous utilisez trois langues...
En fait, nous utilisons trois langues principales, à savoir le français, l'anglais et l'allemand, mais nous avons aussi certains passages en latin, en italien, en vieil allemand et en vieux français. Certaines émotions, certains sentiments sont plus faciles à retranscrire en anglais, d'autres se prêtent mieux au français, etc. Cela apporte une grande richesse au chant, et ça s'accorde bien avec la musique. Et puis l'anglais, le français et l'allemand sont les trois langues romantiques par excellence…

9. Votre musique est très dense, ça ne doit pas être facile à restituer sur scène ?
Non, nous répétons beaucoup, donc il n'y a pas de problème de ce côté là. Pour ce qui est des claviers, Neb travaille d'abord seul avant de répéter avec nous.
Il arrange ses parties, les adapte à la scène. En fait, il s'agit pour lui d'arriver, seul et en jouant sur deux synthés, à reproduire le plus fidèlement possible les quinze ou vingt pistes orchestrales de l'album ! Bien sûr, nous pourrions utiliser des bandes ou des séquences en concert, mais cela aurait tendance à faire trop chargé, je pense, et puis, nous tenons à ce côté "live ", nous ne voulons pas tricher.

10. Quelle image souhaitez-vous que Anorexia dégage ?
Oulah, bonne question, je ne sais pas… Notre image se crée toute seule, nous n'essayons pas de façonner quelque chose d'artificiel… Nous sommes un groupe de Metal, de Hard-Rock, donc je pense que l'on dégage une image très Metal, avec une certaine attitude frondeuse et rebelle qui tend malheureusement à se perdre aujourd'hui. And we blow out our minds with your truth, and together we stand for the youth. Ca c'est Metal, nom de Dieu !

11. Revenir sur la tournée Immortal ?
Cette tournée s'est très bien déroulée pour nous. C'était une bonne expérience pour le groupe de se produire devant un public pas forcément acquis à sa cause. Les gens ont la plupart du temps bien réagi, même s'ils étaient parfois un peu surpris devant une musique si…massive.
Le seul problème que nous avons rencontré venait du son : il était quelquefois trop brouillon, et vu notre style, on ne peut pas se le permettre, il faut que cela soit vraiment parfait.
Mais nous sommes tout de même plus que satisfaits. Déjà, tourner avec Immortal était fantastique, vu que nous sommes tous fans de ce groupe ! Le courant est très bien passé avec eux.
Nous repartons en tournée pour présenter le nouvel album fin avril, et cette fois avec Impaled Nazarene. Ca promet vraiment d'être un show ultra-violent ! Et j'espère rencontrer des milliers de Metal Freaks sur la route ! ! !

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