Interview Metalland
Par RMS Hreidmarr - Novembre 2001
1. Tout d'abord bonjour, on ne
vous demandera pas de vous présenter mais juste de vous définir en deux mots.
Hreidmarr : Je dois admettre que j'ai toujours beaucoup de mal à nous
" définir "... Je dirais que nous sommes un groupe de Metal
Wagnérien, haineux et exalté.
2. Il me semble que vous avez
eu pas mal de problèmes lors de l'enregistrement de votre nouvel album
"New Obscurantis Order" qu'en est-il exactement ?
Pas vraiment plus qu'à l'accoutumée... Enregistrer un album est à chaque
fois un processus très long et très éprouvant pour nous. Cette fois-ci, nous
sommes restés plus de trois mois en studio, et c'est vrai que nous en sommes
ressorti complètement vidés, mentalement et physiquement. Produire soi-même
sa propre musique est quelque chose de plutôt difficile, et bien souvent
pendant l'enregistrement de " New Obscurantis Order ", nous nous
disions que nous n'en viendrons jamais à bout, tellement cet album était
complexe...
Nous ne sommes quasiment pas sorti pendant trois mois, notre studio étant assez
isolé, nous travaillions tous les jours environ 12 heures d'affilée. Nous
avons vraiment donné tout ce que nous avions, moi-même pendant les prises de
chant, j'ai vraiment poussé ma voix dans ses derniers retranchements, ce qui
m'a valu quelques brèves pertes de connaissance...
Ensuite, évidemment, nous avons eu à faire face aux problèmes techniques que
l'on rencontre inévitablement en studio, mais nous avons appris à faire avec.
Notre principal ennemi à été le temps, et nous avons du repousser plusieurs
fois la date de sortie de l'album, pour finalement la fixer au 29 octobre. Mais
je pense que cela en valait la peine, car cette fois, nous avons eu le temps de
faire tout ce que nous voulions, de bien finaliser l'album, de passer du temps
sur les arrangements, et je dois dire que le résultat dépasse même nos
espérances.
3. D'ailleurs ce nouvel opus
est de nouveau enregistré chez vous aux Drudenhaus studios. Préférez-vous
être maître de l'évolution de votre projet sans intervention extérieure ?
Tout à fait ! Nous avons développé notre propre méthode de travail et
les Drudenhaus studios sont parfaitement adaptés à notre musique. Nous tenons
beaucoup à construire notre propre son, un son qui soit à la fois énorme,
puissant, moderne, mais non dépourvu d'âme, nous ne voulons pas d'une
production froide et clinique. Et surtout, nous ne voulons pas d'un son "
normalisé ", standardisé. C'est pourquoi nous n'avons pas recours aux
studios actuellement à la mode, genre Abyss, Fredman, Sunlight, parce que nous
ne voulons pas sonner comme tout le monde, nous préférons que notre son reste
identifiable, personnel.
Et je pense que la production de " New Obscurantis Order " n'a
vraiment rien à envier à ce qui se fait actuellement en Europe, avec des
budgets faramineux que nous sommes d'ailleurs loin d'avoir... Xort, notre
claviériste, qui est en grande partie responsable du son de l'album, a cette
fois-ci fait un vrai travail de producteur, alors qu'auparavant nous abordions
plus les choses en tant que " techniciens du son ".
4. Vous avez développé de
très nombreuses atmosphères dans ce nouvel album quelles en sont les
principales influences et lignes directrices ?
Nos influences musicales et littéraires sont restées les mêmes, elles
sont immuables et font maintenant partie de nous, même si je pense que qu'avec
cet album nous avons su aller au-delà... " New Obscurantis Order "
est plus froid, plus contrôlé que " Drudenhaus ". Il a été
composé dans un laps de temps plus court, tous les morceaux sont très liés,
nous l'avons pensé comme une oeuvre majeure, accomplie. Nous voulions une
ambiance, un climat continu de la première à la dernière note, un climat qui
reflète parfaitement l'état d'esprit dans lequel nous nous trouvions quand
nous avons écrit les morceaux... Au final, il y a beaucoup de nous-mêmes sur
cet album, il est très personnel, et reflète bien ce que nous sommes et avons
été, ce que nous pouvons ressentir face à ce monde, les relations plutôt
complexes que nous pouvons entretenir avec les autres humains...
5. Au niveau du chant peut-on
s'attendre à des innovations notoires ou pas ?
Pour ce qui est du futur, je ne sais pas, je ne peux pas le savoir, ça
dépend de trop de choses... Pour cet album, c'est un peu différent de "
Drudenhaus ", la tonalité de ma voix est peut-être plus grave, mais comme
tout est poussé à l'extrême, je suis aussi monté beaucoup plus dans les
aigus sur certains passages. D'une manière générale, ma voix est plus
modulée, moins linéaire, plus expressive, et j'ai beaucoup travaillé les
passages en voix claire, pour obtenir quelque chose de plus maîtrisé, plus
affirmé, plus cohérent.
Nous avons aussi intégré des choeurs de manière très ponctuelle, pour
renforcer l'aspect mystique et solennel de certains morceaux, et je suis
vraiment satisfait du résultat.
6. Quelles sont les principaux
sujets abordés dans les textes de ce nouvel album et quelles en sont les
influences ?
Comme je le disais tout à l'heure, nos influences sont à peu de choses
près les mêmes que par le passé, à savoir la vague du Romantisme Noir du
XIXème siècle, le Gnosticisme et certains auteurs de théâtre avant-gardiste,
comme Artaud. Cela dit, ces influences constituent juste une base, quelque chose
d'à présent quasi inconscient... Les textes de cet album sont avant tout des
instantanés de nos vies respectives, ils sont pour la plupart inspirés par des
expériences personnelles, des choses que nous avons vécu, dans certains
endroits, avec certaines personnes. Les thèmes principaux sont la maladie, la
mort, l'innocence, la trahison, et je dirais que le fil conducteur de " New
Obscurantis Order " , c'est une sorte de quête d'absolu et de rédemption
à travers la haine purificatrice.
7. Après écoute je trouve que
cet album est aussi brutal si ce n'est plus, cependant il s'avère être
beaucoup plus travaillé au niveau des atmosphères et des passages plus
symphoniques. Cela est-il du à un changement dans votre façon de composer ou
d'enregistrer ou bien à une évolution de tout le groupe ?
Non, nous n'avons rien changé à notre manière d'aborder la composition,
si ce n'est que cette fois, nous voulions obtenir quelque chose de précis, de
cohérent, et moins nous éparpiller. C'est pour cette raison que nous avons
volontairement posé des limites temporelles à la période d'écriture de
l'album. Tous les morceaux et tous les textes ont été écrits entre Novembre
2000 et Mai 2001, ce qui leur confère cette unité dans les atmosphères, même
si bien entendu, nous tenions à ce que chaque morceaux aie sa propre
personnalité, sa propre texture, et puisse être écouté également en dehors
du contexte de l'album...
Sinon, je pense effectivement que l'évolution dont tu parles est plus du au
fait que nous avons naturellement progressé en tant que musiciens entre "
Drudenhaus " et " New Obscurantis Order ", et que, cette fois,
nous avons passé énormément de temps sur les orchestrations, pour obtenir
quelque chose qui nous satisfasse pleinement, qui puisse presque rivaliser avec
un véritable orchestre symphonique.
8. Vous devenez de plus en plus
les fers de lance du black français. Que pensez vous d'ailleurs de la scène
black française ?
Nous ne nous considérons pas comme un groupe de Black, ce style étant pour
moi bien délimité par des codes, des règles, que nous transgressons. Mais
après tout, cette étiquette ne me dérange pas plus que ça, car pour moi, le
Black Metal est mort et enterré depuis le milieu des années 90...
La scène française ? Je ne sais pas trop, il y a quelques bons groupes, que
les labels et les médias commencent à soutenir, mais je ne pense pas que l'on
puisse encore appeler ça une " scène ". Il n'y a pas d'unité, pas
de personnalité, très peu de créativité, et à côté de ça, le public ne
fait pas non plus de grand efforts pour soutenir les quelques groupes français
qui valent le coup...
Dans ces conditions, ce n'est pas très difficile de parvenir au rang de "
leader " de cette prétendue scène... A vaincre sans péril, on triomphe
sans gloire, comme disait l'autre.
9. Et que pensez vous de tous
les clichés qui tournent autour du black et du fait que la partie extrême du
black est récupérée par des mouvements extrémistes ?
Je n'en pense pas grand chose, j'aime les clichés quand ils sont utilisés
avec esprit et maturité, mais c'est vrai que certains commencent à s'essouffler
quelque peu... Quant à une prétendue récupération, je crois que c'est
beaucoup dire, étant impliqué dans la scène depuis pas mal d'années, je n'ai
jamais rencontré de quelconque mouvement ou parti politique faisant du
racolage. Cela tient du plus du mythe qu'autre chose...
10. A propos de clichés vous
pourrez peut m'indiquer pourquoi plus de 80-543146296 des groupes de black se
maquillent sur scène, est-ce pour refléter une atmosphère, une appartenance
ou bien est-ce juste scénique ?
C'est ainsi. Je ne sais pas, il y a beaucoup d'explications, cela amène
quelque chose en plus, une puissance visuelle qui sied parfaitement à la
musique, du moins en ce qui nous concerne. Nous tenons beaucoup à notre
apparence, à l'aspect visuel, parce que nous voyons le groupe comme un ensemble
de choses, et c'est cet assemblage qui fait sa force.
Je hais l'attitude je m'en foutiste à la Nirvana, et se maquiller relève peut
être du cliché, mais le look Neo-Rap-Metal pouilleux aussi, et il s'avère
d'ailleurs beaucoup plus tendance ces temps-ci... Nous nous voyons comme les
héritiers de Kiss, Wasp, Mötley Crüe et autres, dans une version plus
moderne, plus adaptée à notre décennie bien entendu, donc forcément plus
sombre et désespérée...
11. Selon vous quelle est votre
plus grande évolution depuis "Sodomizing the Archedangel" ?
La maturité. Ne pas tout vouloir tout de suite, savoir se remettre en
question et progresser, aussi bien techniquement que spirituellement.
12. Est-ce que cet album est
pour vous plutôt une étape vers quelque chose d'encore plus grand ou bien un
tournant vers une nouvelle définition du black symphonique ?
Non, cet album est ce qu'il est, point. Comme je te le disais, c'est une
oeuvre accomplie, achevée, dont nous sommes très fiers. Nous verrons bien
comment il passera l'épreuve du temps, et j'espère qu'il deviendra un
classique. Mais ce qui sûr, c'est que nous ne le considérons pas comme une
" étape ", nous ne considérons rien de la sorte, car pour nous,
l'avenir est toujours plutôt flou et incertain. Nous essayons juste de nous
donner à fond lorsque nous faisons quelque chose, d'y mettre tout ce que l'on
a, donc chacun de nos albums, en ce sens, peut être considéré comme une
apogée.
13. Tu disais dans un quizz
d'un magazine que ton projet dans le futur était de devenir un Dieu, te
contenterais tu du fait que Anorexia Nervosa soit les dieux du black métal ?
Bien sûr que non.
14. Vos prestations scéniques
ont laissées plus d'une personne " sur le cul " ; d'où dégagez
cette énergie et cette force quasi théâtrale ?
Je n'aime pas le mot " théâtral ", parce que cela signifie jouer
un rôle, or, nous ne jouons pas, ni sur album, ni sur scène, c'est ce que nous
sommes jusqu'au fond des tripes. C'est toujours la même chose, si nous arrivons
à dégager cette force, c'est parce que nous croyons à ce que nous faisons,
que nous le vivons, et que ça se sent... Il nous est d'ailleurs impossible de
nous imaginer autrement que dans cet état proche de la transe quand nous sommes
sur scène, nous sommes tous trop impliqués dans notre musique pour pouvoir se
permettre de " juste " jouer nos morceaux sur scène...
15. Une petite question pour la
fin, auriez vous une question à vous autoposer et une réponse à y apporter ?
Combien de fois ? Pour combien de temps ? Pourquoi ? Je préfère les
questions aux réponses...
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